Une femme pour l’action environnementale : Djecika Mensah
La question environnementale soulève les passions. Les changements climatiques et la diminution de la biodiversité poussent les individus, les entreprises et les gouvernements à réfléchir sur les actions à entreprendre pour mieux concilier développement économique et protection de l’environnement.
Pour réfléchir aux problèmes et aux solutions possibles, il faudra des professionnel(le)s compétent(e)s et impliqué(e)s, notamment issu(e)s du domaine du génie.
Heureusement pour nous, plutôt que de succomber au découragement, des personnes répondent à l’appel de la crise. Entretien avec Djecika Mensah.
Un choix pragmatique
Originaire de Côte-d’Ivoire, Djecika est une globe-trotter avide d’expériences et de découvertes. Elle est aussi une professionnelle passionnée qui n’a pas froid aux yeux.
Encore adolescente, elle se dirige vers le domaine du génie par pragmatisme, suivant les conseils de son père, Docteur et professeur en biologie et actuellement consultant expert senior en environnement à son compte. « J’étais bonne en mathématiques et en physique. (…) Je voulais devenir avocate, mais je n’étais pas si bonne en littérature. En plus, j’avais reçu un prix en physique à l’école secondaire, donc mon père m’a orienté vers le génie. »
Qu’en pensait sa mère? « Elle ne se mêlait pas trop de mes affaires. Elle voulait simplement que je fasse ce que je voulais. »
Djecika fait donc un diplôme d’ingénieure en génie pétrolier à l’Institut polytechnique privé des sciences avancées de Sfax (IPSAS) de l’Université privée du Sud (ULS), à Sfax en Tunisie. « Je suis allée étudier en Tunisie, car mon père avait été affecté là-bas pour le travail. C’est en rencontrant des enfants de ses amis qui étudiaient dans cette université qu’il a décidé de m’y inscrire. »
Or, pourquoi le génie pétrolier? « Ma principale force dans les sciences, c’était la chimie. J’ai eu une professeure qui m’avait parlé des études en génie pétrolier et qui me disait que certains de ses anciens étudiants avaient de bonnes carrières, notamment aux États-Unis. » Pragmatisme, encore une fois, donc.
Engagement social
Toutefois, Djecika n’est pas qu’une femme pragmatique. Elle est aussi une femme de passion qui s’engage corps et âme dans sa communauté. « Pendant mes études, j’étais vice-présidente de l’association des étudiants ivoiriens et stagiaires à Sfax où on organisait des journées culturelles, l’accueil des nouveaux étudiants et des sorties ou soirées pour l’intégration de la communauté estudiantine dans les autres communautés de la ville. J’ai également été la trésorière de l’association des étudiants étrangers et stagiaire de la ville de Sfax où on travaillait en étroite collaboration avec les différentes organisations des gouvernementaux locaux, des ambassades du pays, les universités de la ville ainsi que différentes organisations à but non lucratif pour la bonne intégration des étudiants par des activités, conférences, forums ou visite culturelle. (…)
J’ai été présidente de l’association des étudiants de mon université afin d’aider la bonne intégration des étudiants à l’université mais également les aider administrativement si besoin. Je m’impliquais également dans la communauté religieuse de la ville. (…) J’ai même été choisie par la communauté religieuse Shalom comme l’une des personnes pour représenter la Tunisie pour aller rencontrer le Pape à Rio de Janeiro et à Sao Paolo au Brésil pour les événements des Journées mondiales de la jeunesse (JMJ). »
Sa passion l’amènera à déménager au Canada et à s’intéresser aux enjeux environnementaux. Elle ressent le besoin d’aller plus loin dans son apprentissage et de compléter son profil professionnel avec de nouvelles connaissances. « À la fin de mes études en Tunisie, j’ai déménagé à Vancouver pour étudier les affaires et mieux maîtriser l’anglais, mais je savais qu’il me manquait quelque chose. Comme j’avais étudié en génie pétrolier, je comprenais que cette industrie pollue et que je devais développer des compétences en lien avec l’environnement pour compléter ma formation. (…) Il y avait aussi tous les débats sur l’énergie au Canada. »
Direction le Québec
En 2016, Djecika prend la direction du Québec et s’inscrit à la maîtrise en génie de l’environnement à l’École de technologie supérieure (ÉTS). « Le premier choc que j’ai senti en arrivant au Québec, c’était le froid. Je suis arrivée en janvier, et à Vancouver en janvier, c’est frais, mais supportable. Mais ici!... La première chose que j’ai faite est d’aller me chercher un manteau! »
Ses études lui permettent de s’intéresser directement aux questions environnementales, toujours avec un souci d’amélioration des conditions d’existence des êtres humains. « Je voulais faire l’analyse des cycles de vie des déchets, notamment en Afrique. Je voulais trouver des modèles d’économie circulaire qui permettent à la fois d’améliorer l’environnement, mais aussi de développer l’économie pour que la population profite de ces projets. »
Elle s’implique également auprès du regroupement Énergie-ÉTS où elle agit à titre de vice-présidente des affaires externes. « On voyageait à l’étranger, on faisait des visites industrielles, on organisait des conférences. On faisait beaucoup de choses à l’extérieur de l’École et on avait une belle visibilité. » Elle fait également du bénévolat auprès du Réseau Environnement, « le plus important regroupement de spécialistes en environnement au Québec », pour lequel elle participe notamment au forum international Americana 2017 en tant que bénévole.
Choisir la région
Une fois les études terminées, Djecika évalue les opportunités qui se présentent à elle. Elle souhaite travailler en ingénierie, mais également appliquer ses nouvelles connaissances en environnement. Les opportunités qui lui correspondent sont celles proposées par des entreprises établies dans les régions du Québec. Ainsi, elle fait un remplacement de congé de maternité chez Rio Tinto au Saguenay avant de prendre la direction de l’Abitibi-Témiscamingue, à Amos, pour travailler comme coordonnatrice en environnement et service technique chez Produits forestiers Résolu.
« J’ai beaucoup voyagé. J’aime aller à la découverte de nouvelles choses et des gens. Ça ne me faisait pas du tout peur d’aller travailler en région. D’ailleurs, quand on est jeune, on n’est pas obligé d’aller travailler dans une métropole. On peut aller travailler partout et il faut aller appliquer nos connaissances là où elles sont pertinentes. Moi, en tout cas, c’est comme ça que je fonctionne. »
Comment s’adapte-t-elle à la vie en région? « C’est certain que la première fois qu’ils te voient, ils ne te connaissent pas. Mes voisins venaient me voir pour faire connaissance et me donnaient à manger. (…) À Amos, quand je déneige mon auto, les vieux de mon immeuble viennent m’aider à déblayer. Aussi, ma boss sait que les jeunes professionnels comme moi n’ont pas de famille dans la région. Donc, elle organise des soupers et des activités avec des collègues. (…) Ce qui fait en sorte que les jeunes restent en région, c’est lié à l’effort que la région va faire pour les garder, et tu le vois que les gens font des efforts! »
Et la suite?
Djecika fait son bout de chemin professionnel en Abitibi. Elle revient à Montréal quelques fois par année question de garder contact avec ses ex-collègues universitaires et ses ami(e)s.
Elle approfondit son expertise en environnement dans un environnement en génie. « Nous sommes à des âges où il faut prendre notre expérience et se donner à fond. »
Or, sur le long terme, elle aimerait devenir une référence dans le domaine environnemental. Elle rêve même de politique! « La majorité des politiciens ne sont jamais venus sur le terrain pour voir ce qu’on fait. Ça manque de concret. J’aimerais amener mon expérience et mes connaissances en politique parce que je serais en mesure de lier les bonnes volontés à la pratique. Il faut arrêter de placoter et il faut agir! »
Djecika, future députée de l’Abitibi-Témiscamingue? La question est lancée!
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