Groupe SEB: des produits durables grâce à l’économie circulaire
Conseiller stratégique et coach LinkedIn
Alain Pautrot est Vice-président, service après-vente et satisfaction des consommateurs chez Groupe SEB, 1er fabricant mondial de petits équipements domestiques pour près de 40 marques sur tous les continents. Il sera conférencier lors de l’événement Rencontres de génie sur l’économie circulaire. J’ai pu m’entretenir quelques minutes avec lui pour en savoir plus sur leur vision de produits durables dans une optique d’économie circulaire.
D’où est venue cette idée de produits durables?
Lorsque j’ai rejoint le Groupe SEB il y a environ 10 ans, je suis arrivé avec le souhait d’avoir des produits durables, des produits qu’on arrêterait de jeter si on peut éviter de le faire. Il y avait 3 volets à ce projet d’entreprise.
Tout d’abord, le volet économique. Il fallait montrer que, pour un groupe industriel, ce serait plus économique sur le long terme de réparer les produits. En le faisant, on deviendrait des experts de leur fonctionnement, de leurs pannes et de leurs défauts. On saurait comment les améliorer et donc les rendre plus fiables, chose qui n’est pas possible lorsqu’on se contente de les échanger.
Ensuite, le volet marketing. On voulait qu’un consommateur de nos produits puisse associer nos marques avec la notion « j’achète un produit pour longtemps » et que cela devienne un critère d’achat et de fidélisation.
Finalement, le volet environnemental. Ne pas jeter des produits et les garder plus longtemps, cela voulait dire qu’on aurait moins besoin de matières premières pour les fabriquer et moins de déchets dans la nature.
J’ai présenté cette vision d’entreprise à la direction du Groupe SEB et le président lui-même a immédiatement partagé ce point de vue. Et ça c’est très important puisque c’est un type de projet qu’on ne peut pas réaliser en disant « voilà, ça va coûter tant la première année, je vais investir tant, dépenser tant, ça va rapporter tant l’année 2, l’année 3… »
Globalement, il a fallu 7 à 8 ans pour construire le projet, le faire accepter et le mettre en marche. Si nous avions été cotés en bourse, il est fort probable que cela aurait été trop long. Heureusement, la majorité des actionnaires est constituée des familles d’origine. Ils s’intéressent à l’avenir..
Commercialiser des produits durables, ça fonctionne bien?
70% des produits que l’on vend sont fabriqués par nous dans des usines réparties dans le monde entier (France, Chine, Inde, Brésil, Colombie, États-Unis, etc). Le 30% restant, ce sont des produits dessinés par nous dont on supervise la fabrication.
C’est très important que ce soit comme ça pour rendre ces produits durables et réparables. Il faut parfois travailler sur le design du produit, revoir la façon dont il a été conçu, s’assurer qu’il pourra facilement être ouvert sans risque d’endommager une pièce, etc.
Cela a nécessité l’implication de la totalité des membres de l’entreprise : les équipes R&D, les industriels, les acheteurs, les gens au marketing… Aussi, ça a été important de faire évoluer la mentalité de nos marketeurs pour qu’ils disent : « vous allez acheter des produits qui vont peut-être tomber en panne, mais vous pourrez les réparer ». C’était un concept plutôt nouveau.
La transformation a été interne à l’entreprise, pendant plusieurs années, afin de convaincre tout le monde d’aller dans la même direction. Ensuite, on a évidemment communiqué et impliqué tous nos réparateurs et tous les professionnels qui travaillent avec nous. Finalement, on l’a fait savoir au consommateur.
Y a-t-il des réparations qui génèrent des déficits, mais on le fait parce que c’est en lien avec la vision?
Pour chacun des produits, on s’assure qu’ils aient cette notion de réparabilité. Cela passe par le design du produit, mais surtout par la pièce détachée et les réparateurs.
Déjà, on ne vise pas à gagner de l’argent en réparant. Notre objectif n’est pas du tout de faire 1$ ou 2$ par pièce, mais bien de gagner la satisfaction à long terme. On se dit qu’un jour, le consommateur rachètera un autre de nos produits durables.
Nous avons également un intérêt à créer des conditions gagnantes pour les réparateurs. Sans ceux-ci, on ne pourra plus réparer. Pour le consommateur, c’est la certitude qu’il pourra trouver facilement quelqu’un pour répondre à son besoin.
Donc oui, il y a des réparations sur lesquelles on perdra de l’argent. Nous travaillons sur ce point en testant en France, pour une courte période, un montant forfaitaire pour la réparation d’un appareil, quel que soit son âge ou la nature de la panne.
Quelle a été la réaction des consommateurs avec l’arrivée de « produits durables »?
Les petits électroménagers, comme un grille-pain ou une cafetière, sont souvent des produits esthétiques qu’on aime beaucoup. Ils sont dans la cuisine, on les voit tous les jours et on s’y est habitués. On a envie de les garder.
La première raison qu’un produit n’est pas réparé, c’est l’impression que ce n’est pas possible ou que c’est trop cher. Si le consommateur sait d’avance que c’est possible et que le prix sera raisonnable, alors dans presque tous les cas, il va chez un réparateur pour faire réparer le produit. Il est prêt à payer un peu plus cher parce qu’il a envie de garder celui-là. Donc, il s’agit d’une réaction positive.
Qu’est-il important de retenir pour assurer un bon virage vers l’économie circulaire?
Dans la tête de plusieurs, il y a 2 sortes de produits : ceux pour un usage immédiat qu’on veut changer tout de suite ou alors ceux qui durent. Les consommateurs doivent savoir qu’il est possible de réparer certains et pas d’autres. Il faut donc pouvoir les différencier facilement.
On a communiqué cette promesse avec un logo – un gros rond bleu - sur lequel il est écrit « réparable 10 ans ». Cela représente à peu près 95% de nos produits. On appose ce logo sur le produit dans les magasins et on le communique dans les médias. Les journaux et télévisions en parlent beaucoup et donc, progressivement, les consommateurs commencent à réaliser qu’il y a des produits durables qui sont réparables à côté de ceux qui ne le sont pas forcément.
C’est important de bien communiquer le virage entrepris, de l’interne vers l’externe, et de ne pas sauter d’étape.
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