Du génie dans l’espace : le parcours de Martin Goudreault
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Bon, c’est fait? Regardez bien ce qu’il y a dessus. Vous reconnaissez ce que c’est?
Eh oui! C’est le bras canadien!
Or, si certains diplômés en génie dessinaient des navettes spatiales étant jeunes, d’autres travaillent carrément dans le domaine spatial aujourd’hui, notamment sur des mises à jour du légendaire bras canadien. Entretien avec Martin Goudreault, ingénieur junior chez MDA Corporation.
Création et concret
Originaire du vieux Rosemont à Montréal, Martin choisit l’ingénierie pour ses aspects pratiques et créatifs. « J’ai toujours été impressionné par l’inventivité de mon père à concevoir, fabriquer et réparer des objets et systèmes de toutes sortes. C’est certainement une des choses qui m’a influencé dans le choix d’un métier concret. »
Il fait son DEC technique en électronique, spécialisé en télécommunications. « Le programme avait l’avantage d’être appliqué. Il y avait beaucoup de projets de laboratoires, et ça me donnait beaucoup de satisfaction de pouvoir passer au travers du processus de réflexion, de conception et de réalisation pour obtenir un produit fini, mais à la fin de mon DEC, je me suis dit : je ne peux pas arrêter là. »
Martin avait une soif qui n’avait pas été assouvie. Il voulait en apprendre plus et surtout avoir le diplôme nécessaire qui lui permettrait éventuellement de poser les actes réservés à la profession d’ingénieur. « Le processus créatif de trouver des solutions à des problèmes concrets m’énergise particulièrement et c’est ça que je voulais aller chercher en poursuivant mes études en génie. »
Étudier et s’impliquer
Il entreprend donc ses études au baccalauréat en génie électrique à l’École de technologie supérieure (ÉTS). Or, il avait d’abord jonglé avec l’idée de s’inscrire en génie mécanique. « Je voulais donc continuer d’intégrer plusieurs éléments ensemble. De pouvoir penser au système complet plutôt qu’à une seule partie. J’ai finalement choisi l’électrique, car je trouvais plus juste de continuer à construire sur mon programme initial, ça aurait été sûrement plus compliqué de faire un changement. Aujourd’hui, j’ai la chance de travailler en tests et de pouvoir participer à la conception de certains appareils de test au complet, du boîtier au circuit jusqu’à l’aspect visuel. »
Les études en génie ne sont pas réputées pour être faciles. C’est d’ailleurs une réalité dont peut témoigner Martin. « J’ai commencé ma première session et je dois dire que ça m’a un peu frappé. C’était un changement de rythme comparativement à une technique, mais je m’y suis habitué. »
Ce n’est finalement qu’à sa dernière année de baccalauréat qu’il s’impliquera dans la vie étudiante auprès du regroupement Énergie-ÉTS, d’abord comme vice-président développement, puis ensuite comme président. « Je voulais réussir mes études avant de m’impliquer dans quelque chose d’autre. Je ne voulais pas qu’une implication devienne un fardeau pour mes études. (…) C’est vrai que je me suis impliqué tardivement dans la vie étudiante, mais c’est là qu’en tant qu’individu je me suis développé le plus. Toutes les compétences transversales que ça m’a permis de développer, c’est incroyable! On a brisé des barrières et on a réalisé des choses que les autres n’avaient jamais faites. Ça, j’en suis particulièrement fier. »
Ingénierie spatiale
Après ses études en génie et une vie étudiante bien remplie, Martin prend le chemin du marché du travail. Il accepte une offre de l’entreprise canadienne MDA, une référence dans le domaine spatial, reconnue notamment pour avoir été au centre de la mise en place du bras canadien. « J’avais déjà fait un stage chez MDA et je connaissais l’équipe. Je connaissais l’environnement. Aussi, on va se le dire, l’astronautique est un domaine de pointe où il y a des défis d’envergure. C’est motivant de travailler sur plein de projets flyés si tu me permets l’expression »
Il s’agit de surcroît d’un domaine où s’opère non seulement un changement de mentalité, mais également un phénomène sans précédent de démocratisation. « On assiste au développement de nouveaux marchés où les clients vont de plus en plus vers des petits satellites avec des orbites plus faibles. Ceux-ci sont généralement déployés sous forme de constellation, c’est-à-dire en groupe fonctionnant ensemble en se relayant pour couvrir une région. Cela amène des défis techniques différents. (…) On ne doit plus produire qu’une poignée de satellites, on doit maintenant en produire beaucoup plus. Aussi, la proximité avec la Terre de l’orbite de ces petits satellites permet d’avoir des délais de transmission beaucoup plus faibles. (…) Ça permet maintenant à des compagnies de se lancer, entre autres, dans l’internet par satellite pour desservir des gens comme toi et moi. On voit de plus en plus d’entreprises qui se font une place dans l’espace, contrairement à ce qu’on voyait il y a plusieurs années où les gouvernements étaient dominants. »
Présence accrue du secteur privé, donc, notamment par l’emploi d’innovations qui permettent une réduction de l’utilisation de ressources. « Avec les fusées réutilisables de Space X, il est possible d’envoyer davantage d’objets spatiaux dans l’espace en réutilisant certains éléments des appareils de transport comme leurs propulseurs. Cette récupération de matériel fait sauver des coûts, c’est certain. »
Cela veut-il dire qu’on peut envoyer tout et n’importe quoi dans l’espace? « Non. C’est certain qu’il y a énormément de qualifications et de certifications pour être en mesure d’envoyer des composantes dans l’espace. C’est qu’on n’a pas droit à l’erreur. »
Du génie à la gestion
Or, bien que Martin s’intéresse aux réalités techniques de son domaine de spécialisation, son travail ne se limite pas qu’à ces aspects. « À court terme, je travaille sur des projets de mise à jour du bras canadien, mais je m’intéresse aussi aux communautés de pratique en situation de crise. J’aimerais trouver des moyens de donner davantage de résilience aux organisations. Les enjeux de connaissances et de transfert du savoir sont particulièrement prégnants dans la sphère du génie et j’aimerais beaucoup contribuer à cela, d’autant plus dans des domaines de pointe comme celui de l’astronautique. »
À temps partiel, Martin a entrepris une maîtrise ès sciences en gestion (M. Sc.) à HEC Montréal où il approfondit ses connaissances en management ainsi que sur les enjeux susmentionnés. Il vise à prendre plus de responsabilités de gestion dans l’avenir. « À moyen terme, j’aimerais me retrouver davantage au milieu de projets multidisciplinaires. J’aimerais être en mesure de mobiliser différents experts. (…) Je suis à mon meilleur lorsqu’il faut faire avancer les choses et où il faut aller chercher des avis de personnes ayant différentes expertises. En astronautique, on travaille souvent avec des personnes hautement qualifiées par leurs années d’expérience et leurs études supérieures. On ne peut pas tout connaître. Donc, il faut justement développer la capacité de mobiliser les bonnes personnes au bon moment. »
Assurément, l’expertise que se développe Martin en management l’aidera à mieux comprendre les défis de gestion auxquels seront confrontées nos organisations. « On évolue dans un domaine technique, mais il ne faut pas oublier les enjeux humains », conclut-il.