Du génie à l’engagement politique : le parcours de Dominique Anglade

Le 11 mai dernier, Dominique Anglade devenait la nouvelle cheffe du Parti libéral du Québec (PLQ) et, par le fait même, cheffe de l’opposition officielle à l’Assemblée nationale à Québec. « Je suis fière de devenir la première femme cheffe d’un parti qui a toujours été à l’avant-garde du progrès économique et social » affirme-t-elle alors.

Sitôt la victoire célébrée, c’est pourtant dès lors que son plus grand défi politique à ce jour – sinon tout court – l’attend, soit devenir première ministre du Québec à l’instar de plusieurs de ses prédécesseurs ayant dirigé le PLQ : Philippe Couillard, Jean Charest, Daniel Johnson, Robert Bourassa, Jean Lesage, Adélard Godbout, pour ne nommer que ceux-là.

Ce constat aurait de quoi donner le vertige à plus d’un. Or, ce n’est pas à une femme en manque de confiance avec laquelle j’ai eu l’opportunité de m’entretenir. Entretien avec Dominique Anglade.

Ingénieure industrielle

Avant de faire de la politique, Dominique Anglade a d’abord été une ingénieure industrielle et une femme d’affaires. C’est d’ailleurs à 16 ans qu’elle décide qu’elle deviendrait ingénieure, une profession liant compréhension du monde et possibilité d’avancements professionnels. Le génie mène à tout, dit-on, à condition d’en sortir. « J’aimais les sciences, me dit Dominique Anglade, mais je voulais un diplôme qui ouvre des portes également. (…) Le génie industriel, c’est traditionnellement du génie en usine. Donc il y a un heureux mélange des aspects techniques et humains. »

Le génie industriel, c’est aussi une pensée processuelle; une manière d’appréhender des problèmes liés à une multitude de défis de production : procédés de fabrication, livraison de marchandises, logistique, recherche opérationnelle, optimisation des parcours, etc. Comme les autres disciplines du génie, il s’agit d’un champ d’expertise axé vers la résolution de problèmes. « Amène-moi un problème et je vais t’amener une solution. »

Par contre, contrairement aux autres disciplines du génie qui sont davantage spécifiques, le génie industriel intègre bien davantage la notion de prise de décision. C’est que l’ingénieure industrielle est une décideuse et non une stricte experte technique.

Tenter sa chance

Madame Anglade décroche son premier emploi chez Procter and Gamble, une entreprise manufacturière américaine produisant de nombreux produits disponibles en pharmacie : produits d’hygiène féminine, détergeants à lessive, papiers hygiéniques, dentifrices, assouplissants, couches pour bébé, shampoings, etc. « À cette époque, je ne connaissais pas l’entreprise et je n’étais pas très décidée à travailler là. En plus, les entrevues se faisaient à Belleville en Ontario, à environ 1h30 de Toronto en direction du Québec, mais avant il fallait passer un examen pour être considéré en entrevue. »

En décembre 1995, quelques mois avant sa graduation de l’École Polytechnique en génie industriel, elle prend une chance et fait les tests nécessaires. Elle décroche peu de temps après un entretien aux bureaux de l’entreprise. « J’ai eu une entrevue et on m’a fait une offre le jour même. J’ai accepté. »

À 24 ans, elle se retrouve avec beaucoup de responsabilités. « C’est vrai que j’ai eu pas mal de responsabilités à un âge plutôt jeune. Au début, je gérais une dizaine d’employé, mais après un an et demi, je gérais déjà une centaine d’employés. »

Du génie à la gestion

Après 2 ans chez Procter and Gamble, elle devient gestionnaire du département de logistique. Puis, en 2000, elle revient au Québec chez Nortel où elle occupera pendant quatre ans différents postes de gestion au sein de l’entreprise. Elle profite également de son retour au Québec pour s’inscrire à HEC Montréal où elle complète de 2000 à 2003 une maîtrise en administration des affaires (MBA) où elle s’intéresse aux enjeux liés à la finance et au commerce international.

En 2004, c’est dans le monde de la consultation en gestion qu’elle fait son entrée. Elle accepte un poste de consultante senior chez McKinsey & Company, l’une des firmes de consultants en gestion les plus prestigieuse du monde, où elle conseille des entreprises du secteur aérospatial, de la philanthropie et de la finance dans différents mandats de transformations organisationnelles.

Puis, entre 2013 et 2015, elle dirige Montréal International, l’agence de promotion économique du Grand Montréal.

Carrière politique

La carrière de Dominique Anglade dans le secteur privé, qui avait débuté en trombe, est demeurée en constante ascension au fil des années. Or, en 2015, elle décide de se lancer dans une aventure nouvelle, celle de la politique provinciale sous la bannière du parti libéral. « J’ai toujours été impliquée dans la communauté. L’implication sociale et communautaire a toujours été importante pour moi. (…) J’ai évolué dans le secteur privé et ça m’a appris beaucoup de choses, mais je n’ai jamais réussi à joindre les deux. La politique m’a permis de combiner mon intérêt pour l’économie et pour le développement, mais avec un aspect social et communautaire plus développé. »

Dominique Anglade se désole que trop peu d’ingénieur(e)s s’intéressent à la politique. « Ils devraient faire de la politique! (…) La politique ressemble au génie industriel. C’est du vrai monde et de vrais problèmes. »

Alors que certains ne voient dans la politique que du placotage et des querelles, madame Anglade y voit surtout quelque chose de concret où la compétence et le contenu sont importants. « Il y a une question de leadership et d’objectifs à atteindre. (…) La politique, c’est faire avancer les choses et régler des enjeux. »

Convictions

La politique est aussi une affaire de convictions. « Je crois en une société où chaque individu atteint son plein potentiel et où chaque région atteint son plein potentiel. »

Sur le plan des idées, elle se situe dans la tradition de son parti, c’est-à-dire en faveur d’un développement économique où création et redistribution de la richesse vont de pair, le tout dans un contexte de progrès social et environnemental.

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Ce qui est frappant lorsqu’on parle avec Dominique Anglade, c’est qu’elle a une personnalité singulière au carrefour de la compétence, de la maîtrise des dossiers et d’un engagement social qui agit comme levain dans la pâte.

Elle a également un tempérament peu commun qui lie la pensée scientifique et la sensibilité aux enjeux humains. Comme quoi le fait de prendre des décisions basées sur des faits n’équivaut pas à manquer de cœur, bien au contraire.

 

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