Covid-19 : entretien avec les lauréats du Défi Code Vie

Dans un billet paru en avril dernier, je m’entretenais avec deux employés de chez Novo qui avaient réussi à former une équipe afin de participer au Défi Respirateur Code Vie. En bref, il s’agissait d’un défi coorganisé par la Fondation de l'Hôpital général de Montréal et l'Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (CUSM) et qui visait à concevoir un nouveau ventilateur fiable, sécuritaire et abordable, le tout en quelques jours seulement.

Leur impressionnante performance leur avait d’ailleurs permis d’être sélectionnés parmi les 65 meilleures idées du concours.

Or, malheureusement pour eux, la concurrence fut féroce aux tours suivants et ils ne figurent pas parmi les 3 lauréats choisis par le comité d’évaluation du concours. Ce sont plutôt deux équipes canadiennes et une équipe brésilienne qui remportèrent le défi. J’ai d’ailleurs eu la chance de m’entretenir avec deux représentants des équipes canadiennes en question. Entretien avec MM. Louis-Pierre Fortin, ingénieur mécanique chez Kinova Robotique, et Colin Gallacher, cofondateur chez Haply Robotics.

 

L’équipe Kinova

« C’est une amie d’enfance qui m’a parlé de ce défi-là » m’explique Louis-Pierre Fortin, comprenant bien que cette simple conversation avec son amie Gabrielle avait eu un bien plus grand impact qu’escompté.

Ne sachant pas trop s’il voulait vraiment se lancer dans cette tâche colossale – il fallait également que le ventilateur développé soit approuvé par un médecin –, il lui lance un défi à son tour. « Je lui ai dit : si tu trouves un docteur, j’embarque. Je ne m’attendais pas à ce qu’elle en trouve. Eh bien 20 minutes après notre appel, elle en avait trouvé un! » Est pris qui croyait prendre, eh?

Des programmeurs et ingénieurs électriques chez Kinova se joignent également à l’équipe. Ils planchent donc sur un modèle de ventilateur, mais réalisent rapidement que des défis logistiques les attendent, en plus de ceux d’ingénierie. « Le gros du défi, en fait, ça a été d’avoir accès à du matériel. On travaillait à distance, en raison du confinement, et les délais de livraison augmentaient. (…) On a chacun notre caserne d’Ali Baba dans notre sous-sol. On a tout fabriqué avec des pièces qu’on avait déjà et qu’on avait accumulées au travers du temps. Ce qui manquait, on a été le chercher directement dans des quincailleries. (…) On voulait le système le plus simple possible en utilisant au maximum des pièces certifiées médicales. »

Ainsi, le respirateur qu’ont conçu Louis-Pierre et son équipe utilise une pompe médicale. « Pour toutes les pièces non médicales, on a mis de la redondance. (…) À l’exception de la pompe qui est la pièce critique de notre système, il y a beaucoup de pièces qu’on a utilisé qui sont très faciles à se procurer, par exemple des interrupteurs, des équipements de recharge de batterie d’auto, etc. »

Leur système est simple et sécuritaire, une recette gagnante dans les circonstances. Mais plus que gagner un concours, leur système fait déjà œuvre utile pour lutter contre la pandémie. « Il y a environ une dizaine d’entreprises de partout au monde qui voulait des licences pour construire notre respirateur. Comme le concours visait à donner les licences gratuitement, on la donne gratuitement à qui le veut. On fait aussi partie d’une liste au gouvernement du Québec pour l’approvisionnement en ventilateurs. »

Ainsi, si ventilateurs nous aurions besoin, nous avons un modèle fonctionnel, fiable, sécuritaire et abordable à portée de main, conçue ici au Québec.

 

L’équipe Haply Robotics

Colin Gallacher s’est énormément fait solliciter afin de participer au Défi Code Vie. « I had about 5 friends who called me to tell me about the challenge. One of our mechanical engineers also talked to us about the challenge, so it did not take too long for us to decide to participate. »*

Colin a lui-même une expérience professionnelle en mécatronique et a même travaillé avec des collègues sur des technologies de respiration assistée. « We worked in the past on respiratory technology. We were sensing the flow rate of breath, interfaced it with video games to make the testing process entertaining. The product was developed for kids who had cystic fibrosis. »

Cette expérience fût précieuse ici, car un enjeu majeur au cœur du Défi Respirateur Code Vie fût la compréhension des enjeux médicaux par les ingénieurs concepteurs des systèmes. Colin avait également quelques as dans sa manche : « My dad is an epidemiologist! We talked on the phone for about 2 hours about the technology that could be relevant to develop. He also had friends in medicine that I could talk to before we started the design. It really helped to reduce the gap between medicine knowledge and engineering. »

Cette aventure était néanmoins risquée pour Haply Robotics, encore au stade de jeune pousse, et qui n’a pas les reins aussi solides financièrement que d’autres entreprises ayant participé au défi. « For a team like us, it is complicated because we are a small team working in a start-up environment, so every decision we make can cost us the survival of our business. (…) We are lucky enough that we received funding from the Canadian government. »

La réalisation de leur prototype les mit également face à des défis de sécurité et de préservation de la santé : « A challenge we had is that we develop hardware systems with 3D printers and stuff, so we often work in small, enclosed working environments. So, this whole Covid situation [where people can’t gather in enclosed environment together] adds to the complexity of what we are doing. But at the same time we were lucky to have this equipment to produce the pieces we wanted without having to worry about shipment. »

De la même façon que l’équipe de Louis-Pierre, Colin est convaincu que leur projet fait d’ores et déjà œuvre utile. « I really believe that the system we developed, because it can effectively work right away, really helped people to survive. (…) We are still working on it for improvements, even though we will never become rich out of it, but the motivation was never to get rich anyway. Our goal is to have a ventilator that is going to cost less than a 1000$. »

Le Défi Respirateur Code Vie est entré dans sa deuxième phase, vous pouvez la découvrir ici.

 

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Voilà des témoignages qui rendent compte de l’engagement de l’ingénieur et de son impact social positif sur la société. Espérons que ces exemples suscitent d’autres vocations et inspirent la jeunesse à s’intéresser à notre profession!

 

* L'auteur a choisi de laisser les passages de cet entretien dans la langue originelle.

Photo de couverture par CDC via Unsplash.

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