Entrevue avec Stéphane Marchand : qui sont les ingénieurs de demain?

Stephane Marchand

Dans une industrie où les défis sont nombreux : pénurie, crise d'image, transformations technologiques, révolution du 3D, le rôle des ingénieurs sera appelé à muter perpétuellement. Stéphane Marchand, auteur et rédacteur en chef du magazine ParisTech Review, répond à nos questions sur les tendances qui affecteront les métiers du génie demain.

Quels seront les grands changements qu'on remarquera chez l'ingénieur de demain?

L'ingénieur du XXe siècle devait maîtriser parfaitement l'informatique et les mathématiques, apporter de la rationalité dans les organisations. L'ingénieur du XXIe siècle devra être plus qu'un modélisateur et un optimisateur. Il devra prendre en compte les enjeux systémiques tels que la durabilité. Il sera producteur de concepts novateurs en intégrant le raisonnement artistique, qui est plus sophistiqué et plus vaste que le raisonnement classique. Et puis bien sûr, il devra développer un sens très élevé de l'éthique, car les enjeux liés notamment aux données personnelles interféreront de plus en plus dans son travail.

Peut-on déjà voir ces changements dans certaines branches du génie?

Tous les secteurs maniant ou fabriquant les nouvelles technologies sont les premiers à ressentir le besoin pour ces « nouveaux » ingénieurs. Tous les secteurs où on a besoin d'assembleurs rassembleurs, c'est-à-dire de personnes à haut niveau technique, mais rompus aux interactions humaines.

En quoi cela affectera-t-il les entreprises?

Ces questions de pointe sont aussi celles auxquelles les entreprises vont devoir répondre. Les métiers de l'ingénierie du futur vont redessiner les entreprises. La proximité des laboratoires avec les industriels deviendra impérative, pour faire le lien entre les besoins des entreprises et les anticipations par les écoles des compétences et connaissances nécessaires à l'ingénieur du futur : quelles techniques émergentes?  Quels verrous technologiques à briser? Quels ponts vers de nouveaux métiers? Quels risques éthiques?

Comment évolueront les modèles d'enseignement pour s'adapter?

De manière considérable, car il s'agit de former des ingénieurs aujourd'hui à des métiers qui n'existent pas encore. Leur fournir outils, connaissances et postures intellectuelles et personnelles qui leur permettront d'aborder, voire d'inventer des activités. Il ne s'agit plus de décliner des recettes anciennes, mais d'inventer de nouvelles recettes. Le nouvel ingénieur doit apprendre à apprendre. À gérer des incertitudes. Expertise immédiate, compétence opérationnelle des étudiants, oui, mais aussi capacité à évoluer dans leurs domaines respectifs.

Comment voyez-vous la place de la femme ingénieure à horizon 2030?

Ce sera une place éminente. Près de 30 % des ingénieurs français diplômés en 2015 étaient des ingénieures (Ingénieurs et scientifiques de France (IESF) : 29 % de femmes parmi les ingénieurs diplômés en 2015, soit 11 000 en tout). Une progression spectaculaire. En 1973, 600 femmes avaient le titre d'ingénieure, « soit à peine 5 % du total de diplômés ». En 1980, c'était 10 %.  Aujourd'hui, une femme sur 34 est ou deviendra ingénieure alors que cette proportion était de 1 femme sur 500 chez les baby-boomers. Les ingénieures françaises sont plus présentes dans la fonction publique que les hommes, et moins présentes dans l'industrie. Dans le monde entier, féminiser le métier est un impératif et le métier doit changer en fonction de cet objectif. Stéphane Marchand prononcera une conférence portant sur les principales tendances qui affecteront les métiers du génie demain lors de l'Assemblée générale des membres qui se tiendra le 24 novembre prochain. Pour plus de détails, consultez la page de la conférence.


Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l'auteur.

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