La fabrication numérique au service de l’architecture, de l’ingénierie et de la construction
Ingénieure de structure chez Arup
Faites place aux robots!
Parmi les différentes techniques de fabrication numérique qui émergent avec la 4e révolution industrielle, la plus connue est sans doute celle du prototypage rapide, communément appelée l'impression 3D. Cette approche a grandement attiré l'attention des médias ces dernières années. Même si les imprimantes 3D existent depuis deux décennies, leur utilisation était limitée aux prototypes de pièces, car elles étaient très coûteuses à faire fonctionner comparativement à d'autres techniques de fabrication. La firme MakerBot et sa gamme Replicators (des imprimantes 3D de bureau qui recourent à un filament de plastique comme de l'acrylonitrile butadiène styrène [ABS] ou de l'acide polylactique comme matière d'impression) a été parmi les premiers fabricants d'imprimantes 3D à démocratiser cette industrie et à rendre les imprimantes 3D abordables pour les petites entreprises, les constructeurs et les amateurs de bricolage. Au-delà de l'impression d'objets de plastique, certains genres d'imprimantes 3D peuvent imprimer en d'autres types de matériaux, comme l'acier. C'est le cas d'un projet de recherche dirigé par Salomé Galjaard, designer, produit et interaction, d'Arup Amsterdam. En collaboration avec Within Lab (firme-conseil et de conception de logiciels d'ingénierie), CRDM/3D Systems (société de fabrication) et EOS, il a conçu une méthode de fabrication et d'impression 3D pour des articulations d'acier. Leur recherche était axée autour de la « réduction significative du temps et du coût nécessaires pour réaliser les noeuds complexes dans les structures de résistance à la traction ». Les résultats obtenus représentent une nouvelle forme d'entrée de l'impression 3D « avec conviction dans le domaine de la construction réelle et concrète »[1].
Dans un texte publié sur le blogue Thoughts, un de ceux produits par Arup, Salomé Galjaard affirme qu'il est possible « d'envisager une réduction globale de poids de la structure totale supérieure à 40 %. Cela est attribuable à la diminution du poids des nœud, en plus de l'impact de cette perte de poids sur d'autres éléments dans l'ensemble. Parce que les noeuds deviennent plus légers, les autres éléments de la structure peuvent également l'être plus. »[2] Photo: David de Jong. Joint en acier produit par impression 3D conçu par Salome Galjaard, conceptrice senior de produits et d'interactions chez Arup.
Photo: David de Jong. Joint en acier produit par impression 3D conçu par Salome Galjaard, conceptrice senior de produits et d'interactions chez Arup.
Fabrication numérique, réalisations à grande échelle
Pendant que MakerBot révolutionnait l'industrie de l'impression 3D à petite échelle, Enrico Dini, fondateur et inventeur de D-Shape, s'est lancé dans le développement d'imprimantes 3D à grande échelle. Son imprimante 3D, qui fonctionne par maillage de sable avec un liant pour créer une sorte de grès, demeure probablement la plus grande imprimante 3D dans le monde, étant capable de composer avec des objets d'aussi grosse dimension que six mètres cubes. Les imprimantes de MakerBot et celle de Dini se composent d'un portique qui supporte une sorte de tête de robot d'impression contrôlée, laquelle produit une substance visqueuse (le plastique fondu pour le Replicator et un mélange de sable, de ciment et de liant inorganique pour l'imprimante 3D de Dini). Couche après couche, la matière compose ainsi la forme recherchée. Enrico Dini est bien déterminé à imprimer en 3D des maisons et des structures à large échelle. Son plus récent effort à cet égard est le premier pont au monde provenant de l'impression 3D. Il a été construit et installé à Madrid, en Espagne. S'étendant sur 12 mètres de longueur au-dessus d'un étang au parc Castilla-La Mancha, à Alcobendas, la structure a été imprimée en 3D en huit parties en béton micro-armé de thermoplastique polypropylène afin d'éliminer les besoins en matière de soutien supplémentaire interne. Ce projet a été réalisé en collaboration avec l'Institut pour l'architecture avancée de Catalogne (IAAC) à Barcelone, en Espagne, et Acciona, l'un des plus grands entrepreneurs espagnols internationaux, également présent au Québec et dans autres provinces canadiennes. L'un des principaux défis de l'impression 3D à grande échelle, c'est qu'elle serait toujours limitée par la taille du portique qui détermine le volume d'impression. Même si ladite taille peut-être relativement facile à déployer à grande échelle, le type de liant, la vitesse de pompage vers l'extrudeuse et la rapidité avec laquelle celle-ci déploie le matériel constituent tous des enjeux directement liés à la véritable taille du portique. Une telle technique repose également sur une structure pouvant être autoportante au moment de son impression, laquelle requiert parfois le recours à des supports temporaires. Au lieu d'être limité par le volume d'impression d'un portique et d'un cadre donné, que se passerait-il si quelqu'un songeait à des bras robotiques sur six axes afin d'assembler des parties d'un immeuble? Cela peut avoir l'air d'un film de science-fiction, mais le tout a été testé par le professeur Achim Menges de l'Institute for Computational Design (ICD), de l'université de Stuttgart, en Allemagne. Celui-ci est à l'avant-garde dans ce domaine à évolution rapide qu'est l'architecture robotique, dans lequel les robots conçoivent les composantes de bâtiments, mais assemblent aussi ces derniers eux-mêmes. Il a conçu et fabriqué numériquement pour le musée Victoria and Albert à Londres un pavillon temporaire appelé Elytra Filament, exposé de mai à novembre 2016. Ce bâtiment, qui s'apparente à la structure des enveloppes d'ailes d'un coléoptère, est composé de fibres de verre et de fibres de carbone noir qui s'entremêlent pour créer une série d'auvents légers de forme hexagonale répartis tout autour de l'étang dans la cour du musée. Dans un article publié dans le numéro de février-mars 2017 de The Economist, l'architecte Wolf D. Prix qui a travaillé avec le professeur Menges au sein du projet Elytra Filament, estimait que : « les robots pourraient réduire les temps de construction et de main-d'oeuvre d'autant que de 90 %, ce qui donnerait aux architectes davantage de liberté pour créer. » Pendant que la durabilité de l'impression 3D à grande échelle reste à prouver, il a été démontré que la fabrication additive (dans la mesure où l'on minimise les besoins de soutien interne) engendre moins de gaspillage que d'autres types de fabrication numérique comme le fraisage, la découpe ou les moules formants. L'impression 3D à grande échelle procure également aux concepteurs plus de liberté pour construire des formes complexes qui, comme vous l'avez peut-être déjà remarqué, ont tendance à imiter les constructions organiques de la nature, là où l'efficacité matérielle et énergétique prime, et où les procédés de construction sont déjà « automatisés ». Pour la majorité d'entre nous, tout cela s'apparente un peu trop à un mélange entre un bon film de science-fiction et un rêve fou, et c'était le cas de certains collègues d'Alan Turing dans les années 40. Toutefois, vous ne liriez sans doute pas ce texte devant un ordinateur n'eût été de son imagination débordante et de ses fortes convictions selon lesquelles les humains devraient embrasser les technologies au bénéfice du salut de l'humanité. En souhaitant que les exemples présentés vous permettent de voir la révolution industrielle 4.0 d'un bon oeil! © Pavillon Elytra filament
[1] Rory Stott, Arch Daily, juin 2014, http://www.archdaily.com/514003/arup-develops-3d-printing-technique-for-structural-steel/ [2] Salomé Galjaard, Toughts, Arup, juillet 2015, http://thoughts.arup.com/post/details/462/embrace-new-tools-for-design-freedom
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