Travail à l’étranger : témoignages d’ingénieurs

Il y a plusieurs raisons de partir travailler à l'étranger en tant qu'ingénieur; des opportunités d'emploi à la double citoyenneté en passant par l'amour... Autant s'exiler peut permettre de peaufiner une expertise ou de changer de train de vie, autant l'expérience n'est pas sans défis. Trois ingénieurs nous en parlent.

Canada - États-Unis : dans les hauts et les bas de l'aéronautique

Si Raphaël Gariépy est désormais ingénieur junior en tests électriques et certifications à La Compagnie Électrique Lion (Saint-Jérôme), c'est après avoir été pendant 3 ans ingénieur aéronautique sur la côte ouest américaine, dans l'état de Washington. En finissant sa maîtrise, il s'est fait offrir un poste aux États-Unis, et grâce à sa double citoyenneté, il l'a accepté, pour pouvoir entre autres découvrir de nouvelles régions.

Gariépy a travaillé aux États-Unis en essai en vol de prototypes d'avions comme spécialiste en moteurs, mais comme beaucoup, il a perdu son emploi à cause de la COVID-19, particulièrement impitoyable pour le domaine du génie aéronautique. Il est donc rentré au Québec pour se rapprocher de la famille et des amis, surtout avec un bébé en route.

S'il a trouvé les salaires plus avantageux aux États-Unis, les conditions, comme les jours de vacances, l'étaient moins. Il reste ouvert à retourner travailler aux États-Unis, mais c'est surtout une question de projet pour lui.  « C'est aussi important d'aller dans une région intéressante où je vais pouvoir découvrir de nouvelles choses, » dit-il.

À quelqu'un qui voudrait aller travailler comme ingénieur aux États-Unis, Gariépy suggère de rester ouvert sur la culture américaine, qui est quand même différente de celle du Québec, et de ne pas arriver avec des préconceptions sur les Américains. « Je trouve que ces expériences de travail ont enrichi ma carrière. Ça a été un cours accéléré en professionnalisme et en éthique de travail. »

Du Canada à l'Europe

Cassia Pole, chef du bureau de gestion de projets et des services numériques chez Siemens Gamesa, travaille toujours à l'international, à Brande, au Danemark. La Montréalaise de naissance a d'abord étudié en génie mécanique à l'Université Concordia, pour ensuite compléter son MBA en 2001. Elle devait travailler chez Bombardier cet été-là en tant que conceptrice de produits junior, mais cette perspective intéressante est tombée à l'eau suite aux événements du 11 septembre 2001. 

« C'est à ce moment-là que j'ai décidé qu'il était temps pour moi de quitter Montréal. J'y suis née et j'y ai grandi, j'aime la ville et son mode de vie, mais je devais faire un choix. » dit-elle. Elle a alors trouvé un emploi à Caterpillar aux États-Unis, en Ohio.

« Aux États-Unis, c'est une culture qui n'arrête jamais. Le plus tu travailles, le mieux c'est. Ta vie, c'est ton travail, et même ma vie sociale y était liée. Ils te font sentir mal si tu prends un congé maladie et c'est encore pire si ce sont tes enfants qui sont malades » explique-t-elle. Elle s'est alors entièrement investie dans son travail avant de pouvoir s'établir au Danemark par amour, où elle et son mari pouvaient exercer dans leur champs d'expertise respectif.

Elle a tout d'abord travaillé sur des moteurs pour des bateaux de plaisance. « Je vendais des moteurs pour des yachts de 300 mètres, qui brûlaient un montant incroyable de diesel. C'était tellement de pollution. J'avais besoin de plus de sens dans ma vie», raconte-t-elle. « Je me suis donc tournée vers l'énergie éolienne, et ça a été fantastique, malgré plusieurs défis. » Elle a alors trouvé un poste à Siemens Gamesa, un des leaders mondiaux de l'énergie éolienne.

Ça fait maintenant 15 ans que Pole vit au Danemark. « En termes d'équilibre travail-famille, tout le monde rentre à la maison après le travail. À 17 heures, les stationnements sont vides. On a 6 semaines de vacances. Il y a beaucoup de respect, et c'est normal, même priorisé, d'avoir une famille, explique-t-elle. Il y a aussi le système de santé et d'éducation, qui est fantastique. »

Puisque les enfants de Pole, maintenant 11 et 13 ans, considèrent le Danemark comme leur maison, elle ne pense pas retourner à Montréal de sitôt. En plus, l'université est gratuite au Danemark. « Ce n'est pas l'endroit parfait, mais ça a été facile de rester. Je m'ennuie de la maison, bien sûr, mais le fait que j'ai trouvé le travail que j'ai, et de me retrouver à nouveau dans un domaine technique, rend difficile de laisser quelque chose qui fonctionne aussi bien. Et ça a bien fonctionné pour la carrière de mon mari aussi, » dit-elle.

De l'Europe au Canada

Marianne Dupla a aussi changé de pays pour faire carrière, mais elle, vient de France. Quand elle était encore aux études là-bas, en deuxième année d'école d'ingénieur, elle a eu l'occasion de faire un stage de 3 mois à la station d'épuration Jean-R-.-Marcotte dans l'est de Montréal, autrefois appelée CUM. Une expérience qu'elle a tellement aimé qu'elle a décidé de revenir faire sa maîtrise l'année d'après en génie chimique à l'École Polytechnique de Montréal.

Dupla a lancé sa propre entreprise en mars 2020, EVIRAM Services. Elle fait du support technique pour la mise en service pour le dépannage et les audits dans des installations de traitement des eaux, que ce soit municipal, minier ou industriel. Avant de fonder sa compagnie, Marianne Dupla a travaillé de 2004 à 2020 pour une compagnie internationale d'équipement de traitement d'eau, Veolia.

Puisqu'elle a déménagé à la fin de son diplôme d'ingénieur, elle n'a jamais travaillé en France, outre quelques missions professionnelles qui s'y sont déroulées. Ce qu'elle entend de ses amis ingénieurs en revanche, c'est que la hiérarchie y est plus prononcée qu'au Québec.

En outre, Dupla a effectué des missions aux États-Unis et au Mexique dans le cadre de son travail. « Je dirais qu'au Canada, on est choyés en termes de support, en termes d'aide, et en termes d'accompagnement. Versus ce que j'ai vécu aux États-Unis et au Mexique, où les gens étaient, si on peut dire, un peu plus laissés à eux-mêmes, » explique-t-elle.

Il y a aussi le fait que les règles ne sont les mêmes selon les pays, concernant la santé et la sécurité par exemple : « Aux États-Unis, c'est assez similaire au Canada, mais au Mexique, les règles de santé et de sécurité pourraient être plus strictes. Je pense qu'il y a de la rigueur, mais au Canada, il y a vraiment une expérience, une expertise qui s'est développée, » déclare-t-elle.

Depuis la fin 2015, Marianne Dupla habite à Toronto où son conjoint a trouvé du travail. Quand elle y a déménagé, elle a continué à travailler pour Veolia, et était une des premières personnes à faire du télétravail. « Mon travail, c'était surtout de faire des démarrages d'usine, des mises en route d'usine, des visites de site... Donc que je sois basée à Montréal ou à Toronto ne faisait pas une très grande différence, puisque de toute façon, 80 % de mon travail se faisait sur des sites et des chantiers », raconte-t-elle.

Avec sa nouvelle compagnie, Dupla peut collaborer avec toutes les provinces. « J'ai effectivement des contrats avec le Québec, mais mes mandats cette année ont été principalement en Ontario et en Colombie-Britannique ». 

Des opportunités en or

Il est clair que de travailler à l'étranger permet d'améliorer des expertises qui, parfois, ce qui n'est pas toujours possible de faire dans sa région d'origine. De plus, cela permet de faire des rencontres, de découvrir de nouveaux coins de pays et d'avancer dans sa carrière. Bien sûr, ce n'est pas sans défis, mais c'est une façon d'enrichir sa carrière, une destination à la fois...

 

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