La collaboration au coeur de l’innovation: entrevue avec Carl-Éric Aubin
Carl-Éric Aubin a toujours été attiré par le monde médical et la complexité du corps humain. Doué pour les mathématiques et les sciences, il s’est tourné vers le génie, une formidable boîte à outils lui permettant de résoudre des problèmes médicaux.
Nous avons rencontré le Pr Aubin alors qu’il participait au panel Montréal : un carrefour d’excellence pour l’innovation en santé lors des Rencontres de génie le 24 mars 2022. Titulaire de la Chaire de recherche industrielle CRSNG/Medtronic en biomécanique de la colonne vertébrale, il est également directeur exécutif et scientifique de l’Institut TransMedTech, qu’il a fondé.
La collaboration est une valeur clé que vous véhiculez dans vos différents projets. Qu’est-ce que cela représente pour vous?
La collaboration est l’ADN de l’innovation. Collaborer, c’est conjuguer l’expertise, les savoirs expérientiels et les connaissances. Bien sûr, il faut savoir structurer et « mettre en musique » ces savoirs divers afin de développer des applications qui auront un sens, une valeur économique, mais, surtout, la capacité de répondre à un besoin.
C’est pourquoi la collaboration doit être présente à chaque étape du processus et reposer sur l’expertise de tous : les professionnels de la santé, les gestionnaires, les ingénieurs et les patients. La mise en commun de ces connaissances alimente le processus d’innovation. Il en résulte des produits à forte valeur ajoutée.
Vous avez créé en 2016 l’Institut TransMedTech avec Polytechnique Montréal, l’Université de Montréal, le CHU Sainte-Justine, le Centre hospitalier de l’Université de Montréal et l’Hôpital général juif de Montréal. On présente l’Institut comme un laboratoire vivant. En quoi cela consiste-t-il?
Un living lab est un laboratoire d’innovation ouverte. Cela veut dire que lorsque nous développons une technologie médicale, nous réunissons toutes les parties prenantes tôt dans le processus : les ingénieurs, les cliniciens (qui sont habituellement les utilisateurs des technologies), les partenaires industriels, les administrateurs et les patients.
En quoi consiste la collaboration des patients et patientes au sein de l’Institut?
Pour qu’une nouvelle technologie ait un réel impact sur la santé de ses utilisateurs, elle doit répondre véritablement à un besoin. Les patients contribuent grâce à leur connaissance de la maladie, leur expérience du milieu de la santé. Ils sont en mesure d’apporter des éléments qui peuvent enrichir le processus d’innovation. À chaque étape du processus, ils fournissent des renseignements très utiles : de l’établissement du cahier des charges au développement de solutions qui répondent à leurs besoins, à leurs attentes et à leurs contraintes.
Pouvez-vous donner un exemple?
Le projet My Brace vise à codévelopper une orthèse connectée pour les enfants qui ont une scoliose idiopathique. Près de 10 % d’entre eux doivent porter un corset orthopédique 23 heures sur 24. Le problème, c'est que ces corsets sont lourds, chauds et inesthétiques. Bref, les enfants ne les portent pas.
Notre objectif principal est donc de concevoir une orthèse qui sera désirée par les patients. Nous avons réuni une équipe multidisciplinaire qui comprend non seulement des designers industriels, des ingénieurs, des orthésistes, des orthopédistes, des équipes de soins, mais également d’anciens patients partenaires. Ces derniers apportent leur savoir expérientiel et une panoplie d’idées et d’éléments à prendre en considération pour que le corset soit plus désirable et qu’il réponde encore mieux aux besoins des enfants.
À chaque étape, les parties prenantes s’approprient les technologies et leur mode d’opération, en plus d’enrichir le projet par leur rétroaction.